Camí Camí

Nous sommes devant un ensemble de quatre sculptures, ici présentées deux par deux, qui renvoient à des problèmes d’aujourd’hui que tout le monde connaît bien. Il s’agit des pandémies, des guerres, de l’épuisement des énergies et des réserves naturelles de la Terre et du changement climatique. Le bronze, le fer et l’acier que Camí a choisis accentuent la force dramatique de l’ensemble. Comme deux sphères coupées en deux, chaque partie nous parle des problèmes actuels. Dies Irae, la première demi-sphère, nous montre le paysage après la bataille. Des flèches clouées nous disent que le combat est fini et que la mort est là. Camí met ici l’accent sur les conflits sanglants du XXe siècle, le siècle des grandes guerres. Intitulée Lacrimosa dies illa, l’autre semi-sphère comprend une croix, symbole mondialement connu de la Croix-Rouge qui renvoie à l’aide et aux secours. C’est donc la face opposée de la guerre.

L’artiste fait référence dans cette œuvre au monde classique et au monde des sibylles, en particulier celle de Cumes. L’ensemble sculptural est constitué de trois blocs de marbre taillés irrégulièrement et comprenant chacun trois creux. Dans l’un des blocs seulement les trois creux sont tous occupés par un livre, les seuls que la sibylle n’a pas brûlés devant Tarquin. Ces livres contiennent la parole divine, la révélation, les prophéties. L’artiste ne nous permet donc pas de les ouvrir, les maintenant inaccessibles sous une plaque en verre et dans un étau de fer.

Cette œuvre ne se réfère plus au monde classique mais se veut un cri de dénonciation sociale et un souvenir des propres expériences de l’artiste. Tous les matériaux que l’artiste utilise dans ses œuvres sont anciens et ont en réalité un rapport direct avec lui. Ils parlent donc d’eux-mêmes, ici d’une période spécifique de la vie du sculpteur. L’œuvre présente des exemplaires d’une publication de la Compagnie de Marie-Notre-Dame, la première éditée en 1947 par Lestonnac, dans lesquelles on peut observer des scènes de Noël et des thèmes religieux. À travers ces images, Camí se souvient de son enfance. Né en 1947, l’année de la première publication, il fait sa première communion en 1955, année de la dernière publication. En outre, le matériau a aussi son importance. Le pupitre nous montre le livre sous le vieux cadre rouillé d’une niche. On observe donc un jeu de contraste entre la lecture ouverte que présente le livre et la fermeture à laquelle renvoient la niche et la mort.  

Josep Maria Camí nous montre une fenêtre où cohabitent l’espace ouvert et l’espace fermé : des volets en bois permettent à la vieille silhouette d’observer ou de cesser de voir ce qui se trouve devant elle. Confrontés à la terreur de ce que l’avenir nous réserve, nous pouvons toujours les fermer et créer une barrière nous empêchant de savoir ce qui va arriver. D’autre part, la vieille ridée, découpée dans une plaque de fer, nous fait penser à l’inévitable passage du temps. Camí nous présente donc ici un jeu entre l’acte de voiler et celui de dévoiler. Les matériaux anciens nous indiquent également que le passage du temps nous concerne tous. Cette œuvre, de nature variable et mobile, apparaît comme une métaphore du message changeant et interprétable des sibylles.

Dans cette sculpture, l’artiste met en scène une confrontation entre la lumière et l’obscurité. L’obscurité est représentée par une barre en fer noire tandis que la lumière émerge de l’intérieur. L’obscurité représente l’ignorance, les peurs, qui vont être dissipées par la lumière, par le message lumineux des sibylles. Ce message de lumière lutte pour sortir et parvenir à tous, à tous ceux qui ont besoin de savoir, qui ont besoin de réponses à leurs préoccupations. La lumière est une métaphore du divin que l’artiste nous propose pour en finir avec le monde obscur et plein d’injustices dans lequel nous vivons.

Cette œuvre renvoie aussi au monde classique et à celui des sibylles. Son titre est inscrit sur la base d’une des pièces de l’ensemble. En ouvrant la boîte, Camí nous présente deux éléments qui peuvent d’emblée nous paraître semblables dans leur texture et leur forme. D’une part, un crâne fixé sur un miroir, symbole par excellence de la mort, de l’autre, un œuf d’autruche, qui symbolise le contraire : le commencement, le germe de la vie. Le début et la fin sont représentés dans cet ensemble sculptural qui comprend également un miroir où nous pouvons nous refléter. Le crâne, sur le miroir, représente chacune des personnes qui veulent s’y regarder.

Une plume en fil de fer se dresse au centre de cette composition : la force de la lettre, de l’écriture est montrée par l’incision de l’objet dans le bois. Le cadre en fer, quant à lui, délimite l’espace, une toile où un arbre solitaire occupe le centre d’un paysage désert. Le passage du temps, comme dans beaucoup d’œuvres de l’artiste, se manifeste dans le fer rouillé qui encadre l’image. La solitude interpelle nos émotions et c’est le sentiment que l’artiste veut susciter en nous.